Neuropathie autonome avec atteinte de la déglutition
Introduction
La neuropathie autonome est une atteinte des fibres nerveuses autonomes, responsables de la régulation involontaire des fonctions viscérales, telles que la digestion, la déglutition, la respiration et le contrôle cardiovasculaire. Lorsqu’elle affecte la déglutition, elle peut entraîner une dysphagie, un trouble souvent sous-estimé mais aux implications potentiellement graves, comme le risque d’aspiration ou de dénutrition.
Physiopathologie
La neuropathie autonome entraîne une altération des voies nerveuses parasympathiques et/ou sympathiques. En ce qui concerne la déglutition, l’atteinte des fibres parasympathiques, en particulier celles du nerf vague (X), perturbe les mécanismes coordonnés nécessaires pour :
- La propulsion du bol alimentaire dans l’oropharynx.
- La relaxation du sphincter supérieur de l'œsophage (SSO).
- La motilité œsophagienne pour acheminer les aliments vers l’estomac.
Causes fréquentes
Les neuropathies autonomes associées à des troubles de la déglutition surviennent dans divers contextes :
- Neuropathies métaboliques :
- Diabète sucré, principale cause.
- Amylose systémique.
- Neuropathies auto-immunes :
- Syndrome de Guillain-Barré.
- Lupus érythémateux disséminé.
- Syndrome de Sjögren.
- Neuropathies infectieuses :
- VIH/SIDA.
- Maladie de Lyme.
- Lèpre.
- Neuropathies toxiques :
- Consommation excessive d'alcool.
- Médicaments neurotoxiques (chimiothérapie).
- Troubles neurodégénératifs :
- Maladie de Parkinson.
- Atrophie multisystématisée (AMS).
Manifestations cliniques
Dysphagie dans la neuropathie autonome
La dysphagie secondaire à une neuropathie autonome peut impliquer différents niveaux du processus de déglutition :
- Phase orale :
- Difficulté à former ou propulser le bol alimentaire.
- Risque accru de fuite orale ou de régurgitation nasale.
- Phase pharyngée :
- Retard ou absence du réflexe de déglutition.
- Accumulation de nourriture dans le pharynx, augmentant le risque d’aspiration.
- Phase œsophagienne :
- Dysfonctionnement du SSO.
- Hypomotilité ou atonie œsophagienne.
Symptômes associés
- Régurgitations fréquentes.
- Toux postprandiale ou épisodes de fausse route.
- Sensation de blocage ou de pression thoracique.
- Perte de poids progressive, due à une alimentation insuffisante.
Complications
- Aspiration trachéo-bronchique : pneumonie d’inhalation.
- Malnutrition : aggravation de la neuropathie sous-jacente.
- Qualité de vie altérée : anxiété sociale ou isolement dû aux difficultés alimentaires.
Diagnostic
Évaluation clinique
Un interrogatoire approfondi et un examen clinique permettent de recueillir des indices sur :
- L’évolution de la neuropathie (antécédents de diabète, infections, intoxications).
- Les caractéristiques de la dysphagie (solides, liquides, progression).
Investigations paracliniques
Tests fonctionnels autonomes
- Tests cardiovasculaires : variabilité de la fréquence cardiaque, hypotension orthostatique.
- Tests sudoraux : altération de la thermorégulation.
Investigations spécifiques à la dysphagie
- Vidéo-fluoroscopie :
- Visualisation dynamique des phases de la déglutition.
- Identification des fausses routes et anomalies motrices.
- Manométrie œsophagienne :
- Évaluation des pressions dans le SSO et le corps de l'œsophage.
- Hypotonie ou absence de relaxation du sphincter.
- Électromyographie :
- Évaluation des nerfs crâniens impliqués dans la déglutition.
- Imagerie complémentaire :
- IRM pour exclure des lésions structurelles ou neurologiques centrales.
Traitement
La prise en charge de la neuropathie autonome avec dysphagie repose sur un traitement étiologique et symptomatique.
1. Traitement de la neuropathie sous-jacente
- Diabète : optimisation du contrôle glycémique.
- Amylose : thérapies dirigées (tafamidis pour l’amylose héréditaire).
- Infections : traitement antiviral ou antibiotique approprié.
- Auto-immunité : immunosuppresseurs ou immunoglobulines intraveineuses.
2. Réhabilitation fonctionnelle
- Orthophonie : techniques compensatoires pour améliorer la sécurité de la déglutition.
- Modification de la consistance des aliments : épaississants pour les liquides, aliments en purée.
3. Approches pharmacologiques et interventions ciblées
- Prokinétiques (dompéridone, métoclopramide) pour améliorer la motilité œsophagienne.
- Injection de toxine botulique dans le SSO pour réduire la pression sphinctérienne.
- Chirurgie : myotomie du SSO ou dilatation endoscopique pour les cas réfractaires.
4. Gestion des complications
- Nutrition entérale (sonde nasogastrique ou gastrostomie) pour les patients à haut risque de dénutrition ou d’aspiration sévère.
Pronostic
Le pronostic dépend de la cause sous-jacente de la neuropathie autonome et de l’efficacité de la prise en charge. Les neuropathies réversibles (p. ex., métaboliques ou infectieuses) peuvent montrer une amélioration significative avec le traitement. Cependant, dans les cas progressifs ou neurodégénératifs, la gestion vise à optimiser la qualité de vie et à prévenir les complications.
Références
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- Freeman, R. (2014). Autonomic peripheral neuropathy. Lancet Neurology, 13(1), 94–107.