L'amylose intestinale : Pathophysiologie, manifestations cliniques, diagnostic et traitement
L'amylose intestinale est une forme de dépôt anormal de protéines dans les tissus intestinaux, qui peut entraîner des troubles fonctionnels et des symptômes gastro-intestinaux significatifs. Elle fait partie des maladies amyloïdes, où des protéines anormales s’accumulent dans divers organes et tissus, perturbant leur fonction normale. Le terme "amylose" désigne un groupe hétérogène de maladies dans lesquelles des protéines mal repliées s'accumulent sous forme de fibrilles amyloïdes, pouvant affecter différents systèmes organiques, dont le système digestif.
1. La pathophysiologie de l'amylose intestinale
L'amylose intestinale se produit lorsque des protéines amyloïdes se déposent dans les parois de l'intestin. Ces dépôts sont souvent constitués de fragments de protéines normales qui, en raison d'un mauvais repliement, deviennent insolubles et s’agrègent en fibrilles, qui se déposent dans divers tissus. Les principales formes de protéines amyloïdes impliquées dans l'amylose intestinale sont les suivantes :
- AA amyloïdose (amylose secondaire) : Elle est liée à des conditions inflammatoires chroniques, comme les maladies auto-immunes, les infections chroniques, et les maladies inflammatoires de l’intestin (MII). La protéine SAA (serum amyloid A) est produite en réponse à une inflammation, et elle peut se transformer en amyloïde AA lorsqu'elle s'accumule dans les tissus.
- AL amyloïdose (amylose primaire) : Cette forme d'amylose est associée à des troubles des cellules plasmatiques, comme le myélome multiple, où des chaînes légères d'immunoglobulines sont produites en excès et se déposent sous forme de fibrilles amyloïdes dans divers organes, y compris l'intestin.
- ATTR amyloïdose : Bien que moins fréquente dans l'intestin, elle est causée par une mutation de la transthyrétine (TTR), une protéine produite par le foie. Les dépôts de TTR anormale peuvent affecter plusieurs organes, y compris le tractus gastro-intestinal.
Les fibrilles amyloïdes provoquent une infiltration des tissus intestinaux, altérant leur structure et leur fonction. Cette accumulation peut entraîner un rétrécissement de la lumière intestinale, une perturbation de l'absorption des nutriments, ainsi qu'une dysfonction motrice de l'intestin, ce qui peut se traduire par des symptômes cliniques variés.
2. Manifestations cliniques de l'amylose intestinale
Les symptômes cliniques de l'amylose intestinale dépendent de l'étendue et de la localisation des dépôts amyloïdes dans le tractus gastro-intestinal. Les symptômes les plus courants incluent :
a) Troubles gastro-intestinaux
Les symptômes gastro-intestinaux sont fréquents et peuvent inclure :
- Diarrhée chronique : Un des symptômes les plus courants, souvent lié à une malabsorption secondaire aux dépôts amyloïdes.
- Perte de poids : En raison d'une mauvaise absorption des nutriments et d'une altération de la fonction intestinale.
- Douleurs abdominales et distension : Ces symptômes peuvent être dus à des troubles de la motilité intestinale causés par les dépôts amyloïdes dans les couches musculaires de l'intestin.
- Naussées et vomissements : Les symptômes peuvent être liés à une altération du péristaltisme gastro-intestinal et à la présence de dépôts amyloïdes.
b) Manifestations systémiques
En plus des symptômes intestinaux, l’amylose peut affecter d’autres organes, et les symptômes systémiques peuvent inclure :
- Insuffisance cardiaque : L'amylose cardiaque, résultant de dépôts amyloïdes dans le cœur, peut entraîner une dysfonction cardiaque.
- Néphropathie amyloïde : Les reins peuvent également être affectés par l'amylose, entraînant des signes de protéinurie et une insuffisance rénale.
- Neuropathie périphérique : Les dépôts amyloïdes peuvent toucher les nerfs périphériques, provoquant des douleurs, des paresthésies et une faiblesse musculaire.
3. Diagnostic de l'amylose intestinale
Le diagnostic d'amylose intestinale est complexe et nécessite une approche multidisciplinaire, car les symptômes gastro-intestinaux peuvent être similaires à ceux d’autres affections.
a) Examen clinique et historique médical
Un antécédent de maladies inflammatoires chroniques, de myélome multiple, de troubles systémiques ou d’autres maladies susceptibles de provoquer une amylose doit être exploré. Cela oriente les investigations diagnostiques.
b) Biopsie tissulaire
La biopsie intestinale est l'un des moyens les plus fiables pour confirmer le diagnostic d’amylose. Les dépôts amyloïdes peuvent être visualisés en utilisant des colorations spécifiques comme le colorant rouge Congo, qui colore les fibrilles amyloïdes en rouge ou vert sous lumière polarisée. Cette technique permet de localiser précisément les dépôts amyloïdes dans les tissus.
c) Tests de dépistage sanguin et urine
- Protéines plasmatiques : Des tests pour mesurer les niveaux de la protéine amyloïde SAA dans le sang peuvent être utiles, notamment dans l’amylose secondaire (AA).
- Tests urinaires : La présence de chaînes légères d’immunoglobulines dans l’urine peut être un indice d’amylose AL, fréquemment observée chez les patients atteints de myélome multiple.
d) Imagerie
L’imagerie peut jouer un rôle clé dans le diagnostic de l'amylose systémique, bien qu’elle ne soit pas spécifique pour l’intestin. Les échographies abdominales, les tomodensitogrammes et les IRM peuvent être utilisés pour évaluer l’extension des dépôts amyloïdes dans les organes abdominaux et autres régions du corps.
4. Traitement de l'amylose intestinale
Le traitement de l'amylose intestinale dépend de la forme spécifique de l'amylose et de l'étendue des dépôts amyloïdes dans les autres organes.
a) Traitement de l’amylose secondaire (AA)
Le traitement de l’amylose secondaire consiste généralement à traiter la condition sous-jacente responsable de l’inflammation chronique, comme les maladies inflammatoires de l’intestin (MII), les infections chroniques ou les maladies auto-immunes. Cela permet de réduire la production de protéine SAA et, par conséquent, de limiter l’accumulation de dépôts amyloïdes. Des médicaments anti-inflammatoires, des immunosuppresseurs et des agents biologiques peuvent être utilisés pour contrôler la maladie sous-jacente.
b) Traitement de l’amylose AL
Le traitement de l’amylose AL se concentre sur la gestion de la prolifération de cellules plasmatiques anormales. Cela peut inclure :
- Chimiothérapie et médicaments anti-cancéreux pour réduire la production excessive de chaînes légères d’immunoglobulines.
- Greffe de cellules souches dans les cas graves ou réfractaires.
c) Traitements symptomatiques
Les symptômes intestinaux peuvent être traités par :
- Médicaments pour contrôler les troubles de la motilité intestinale et la diarrhée, tels que les antidiarrhéiques et les médicaments prokinétiques.
- Nutrition et supplémentation : La gestion des malabsorptions et de la perte de poids par une alimentation adaptée, des compléments nutritionnels ou, dans certains cas, une alimentation par sonde ou intraveineuse.
5. Prognostic
Le pronostic de l'amylose intestinale dépend largement de la forme spécifique de la maladie, de la rapidité du diagnostic et de l’efficacité du traitement. L’amylose systémique, en particulier les formes AL et AA, peut entraîner des complications graves, notamment l’insuffisance cardiaque, rénale ou hépatique, réduisant l’espérance de vie si elle n'est pas traitée de manière appropriée. Une prise en charge précoce peut améliorer le pronostic à long terme et la qualité de vie des patients.
6. Références
- Merlini, G., & Bellotti, V. (2003). Molecular mechanisms of amyloidosis. New England Journal of Medicine, 349(24), 2412-2423.
DOI: 10.1056/NEJMra022748 - Pillebout, E., & Pernot, S. (2013). Renal involvement in systemic amyloidosis. Nephrology Dialysis Transplantation, 28(4), 1043-1052.
DOI: 10.1093/ndt/gfs413 - Gertz, M. A. (2009). Amyloidosis: Pathophysiology and clinical presentation. Seminars in Hematology, 46(3), 215-223.
DOI: 10.1053/j.seminhematol.2009.03.003 - Falk, R. H., et al. (2016). AL amyloidosis: Clinical features, pathogenesis, and treatment. Journal of the American College of Cardiology, 68(24), 2624-2634.
DOI: 10.1016/j.jacc.2016.08.056 - Santos, J. M., et al. (2014). Gastrointestinal involvement in amyloidosis: A systematic review. American Journal of Gastroenterology, 109(4), 487-495.
DOI: 10.1038/ajg.2014.8