Mélanome choroïdien : Pathophysiologie, diagnostic, traitements et pronostic
Le mélanome choroïdien est la forme la plus fréquente de cancer primitif de l'œil. Il se développe à partir des cellules pigmentaires de la choroïde, la couche vasculaire de l'œil située entre la rétine et la sclère. Bien que relativement rare, ce type de mélanome est une cause importante de perte de vision, et dans certains cas, de métastases à distance. La gestion du mélanome choroïdien implique une approche multidisciplinaire, incluant des stratégies de diagnostic avancées et des traitements ciblés.
1. Pathophysiologie du mélanome choroïdien
Le mélanome choroïdien résulte de la prolifération maligne des mélanocytes, les cellules responsables de la production de mélanine, un pigment qui donne sa couleur à la peau, les cheveux et les yeux. Ces cellules se trouvent principalement dans la choroïde, et lorsque les mélanocytes deviennent cancéreux, ils forment une tumeur. Le mélanome choroïdien peut se développer lentement ou rapidement, avec des variations dans la présentation clinique selon la taille, la localisation et le stade de la tumeur.
La choroïde est une structure richement vascularisée, ce qui permet aux cellules tumorales de se disséminer facilement dans l'œil, et, si elles ne sont pas traitées, dans d'autres parties du corps, principalement le foie. Cette capacité de propagation explique l'importance du diagnostic précoce et de la prise en charge rapide pour limiter les risques de métastases.
2. Étiologie et facteurs de risque
Les facteurs exacts responsables du développement d'un mélanome choroïdien ne sont pas entièrement compris. Cependant, plusieurs facteurs de risque ont été identifiés, notamment :
a. Exposition aux rayons UV
Une exposition prolongée aux rayons ultraviolets (UV) est associée à un risque accru de développement de mélanomes, bien que cette relation soit moins marquée dans les mélanomes choroïdiens par rapport aux mélanomes cutanés.
b. Teint clair
Les personnes ayant la peau claire et les yeux clairs (bleus ou verts) sont plus susceptibles de développer des mélanomes choroïdiens, car elles produisent moins de mélanine pour se protéger des dommages causés par les UV.
c. Antécédents familiaux et prédisposition génétique
Des antécédents familiaux de mélanome oculaire, ainsi que certaines mutations génétiques, peuvent augmenter le risque de développer un mélanome choroïdien. Les mutations des gènes BAP1 (BRCA1-associated protein 1) et GNAQ sont particulièrement importantes dans la pathogénie de ce type de cancer.
d. Moles oculaires
Les personnes présentant des taches de pigments sur la choroïde (appelées naevus choroïdiens) peuvent avoir un risque plus élevé de développer un mélanome, bien que la plupart des naevus ne se transforment pas en cancer.
3. Présentation clinique et symptômes
Le mélanome choroïdien peut se développer sans symptômes apparents au début. En fait, de nombreux patients sont asymptomatiques jusqu'à ce que la tumeur atteigne une taille importante ou cause des complications. Les symptômes possibles incluent :
- Perte de vision : La tumeur peut provoquer une altération de la vision centrale ou périphérique, en fonction de sa localisation dans l'œil.
- Flashes lumineux ou corps flottants : Des anomalies dans la rétine ou dans le corps vitré peuvent entraîner des sensations de flashes lumineux ou des corps flottants dans le champ visuel.
- Distorsion de la vision : La présence d'un mélanome peut provoquer des distorsions visuelles, où les objets semblent déformés ou flous.
Dans certains cas, des symptômes plus graves peuvent se manifester si la tumeur atteint une taille suffisante pour induire un détachement de la rétine ou pour infiltrer la cavité vitréenne.
4. Diagnostic du mélanome choroïdien
Le diagnostic précoce du mélanome choroïdien est crucial pour éviter la propagation métastatique. Plusieurs outils diagnostiques sont utilisés :
a. Examen clinique et fond d'œil
L'examen du fond d'œil est le premier outil pour observer les anomalies. Un mélanome choroïdien apparaît généralement comme une masse pigmentée à la surface de la rétine ou dans la choroïde. Le mélanome peut avoir une couleur noire ou brunâtre et peut présenter des zones de décollement rétinien adjacentes.
b. Échographie oculaire
L’échographie est une technique non invasive utile pour évaluer la taille et la profondeur de la tumeur. Elle permet de détecter les lésions suspectes et de déterminer leur influence sur les structures intraoculaires.
c. Tomographie par cohérence optique (OCT)
L'OCT permet une analyse détaillée de la rétine et de la choroïde, en fournissant des images transversales de l'œil. Elle aide à évaluer l'impact du mélanome sur la rétine, notamment en cas de décollement rétinien ou d'autres complications associées.
d. Angiographie à la fluorescéine
Cette technique permet de visualiser les vaisseaux sanguins dans et autour de la tumeur, ce qui est utile pour détecter la néovascularisation ou l’ischémie liée à la croissance tumorale.
e. Imagerie par résonance magnétique (IRM) et tomodensitométrie (TDM)
L'IRM et la TDM sont souvent utilisées pour examiner la propagation du mélanome au-delà de l'œil, en particulier si des métastases sont suspectées dans d'autres organes, comme le foie.
5. Traitements du mélanome choroïdien
Le traitement du mélanome choroïdien dépend de plusieurs facteurs, dont la taille de la tumeur, son emplacement, l’état général du patient, et la présence éventuelle de métastases.
a. Chirurgie
La chirurgie oculaire peut être nécessaire dans certains cas pour retirer la tumeur. La technique la plus courante est la secteurectomie ou l'exérèse de la tumeur en enlevant une partie de la choroïde. Si la tumeur est située dans une position difficile, la vitrectomie (ablation du vitré) peut être utilisée pour un accès plus direct à la tumeur.
b. Radiothérapie
La radiothérapie est souvent utilisée pour traiter les mélanomes choroïdiens de petite à moyenne taille, particulièrement ceux qui sont inaccessibles à la chirurgie. Les options incluent la radiothérapie par faisceau externe ou l'irradiation par plaques de ruthénium (utilisation de petites plaques radioactives placées près de la tumeur).
c. Thermothérapie
La thermothérapie à micro-ondes est parfois utilisée pour détruire les cellules tumorales en chauffant la tumeur. Elle est plus couramment utilisée pour les petites tumeurs situées à la périphérie de l'œil.
d. Chimiothérapie et traitement ciblé
Dans les cas de mélanomes choroïdiens métastatiques, des traitements systémiques tels que la chimiothérapie ou des thérapies ciblées peuvent être envisagés. Cependant, les mélanomes oculaires répondent souvent moins bien à ces traitements que les mélanomes cutanés.
6. Pronostic
Le pronostic du mélanome choroïdien dépend largement de la taille de la tumeur, de sa localisation, et de l’absence ou de la présence de métastases. Les tumeurs petites à modérées, localisées, ont un meilleur pronostic, tandis que les tumeurs plus grosses ou celles qui se sont propagées au foie ou à d'autres organes ont un pronostic moins favorable. Le taux de survie global pour les patients atteints de mélanome choroïdien est relativement bon, mais il dépend de la détection précoce et de la gestion efficace de la maladie.
7. Références
- Damato, B., & Coupland, S. E. (2012). Ocular Melanoma: Clinical Management and Prognosis. Clinical Ophthalmology, 6, 1087-1095.
- Albert, D. M., & Jakobiec, F. A. (2009). Principles and Practice of Ophthalmology (3rd ed.). Saunders.
- McCarthy, C. E., & Johnson, D. A. (2016). The Diagnosis and Management of Choroidal Melanoma. Current Opinion in Ophthalmology, 27(3), 199-205.
- Seregard, S., & All-Ericsson, C. (2013). Current Trends in the Management of Choroidal Melanoma. British Journal of Ophthalmology, 97(6), 781-786.
- Kivela, T. (2014). Choroidal Melanoma: Prognostic Factors and Treatment Options. Ophthalmology Clinics of North America, 27(1), 61-75.