L'acroostéolyse neurogénique est une affection rare caractérisée par une résorption progressive des os distaux, principalement au niveau des phalanges, associée à des anomalies neurologiques. Elle se distingue par une combinaison de symptômes osseux et neuropathiques, souvent liés à une perturbation de l'innervation des extrémités. Cette maladie peut survenir dans le contexte de troubles sous-jacents variés, ce qui en complique le diagnostic et la prise en charge.
1. Définition et caractéristiques principales
L'acroostéolyse désigne la destruction ou la résorption des os distaux, affectant généralement les phalanges des doigts et des orteils. Dans sa forme neurogénique, cette atteinte osseuse est secondaire à une perte de l'innervation sensorielle ou autonome, ce qui entraîne une série de complications :
- Diminution ou absence de la sensibilité périphérique.
- Troubles trophiques et vasculaires.
- Déformation des doigts et des orteils.
2. Épidémiologie
L'acroostéolyse neurogénique est extrêmement rare et peut apparaître à tout âge, bien que des cas soient plus fréquemment signalés chez les adultes jeunes ou d'âge moyen. Elle peut survenir dans le cadre de troubles neurologiques préexistants ou en tant que manifestation isolée.
3. Physiopathologie
La résorption osseuse observée dans l'acroostéolyse neurogénique résulte de plusieurs mécanismes interdépendants :
A. Perte d'innervation sensorielle et autonome
La perte de l'innervation des extrémités entraîne :
- Une diminution de la perception de la douleur et de la température, ce qui expose les tissus à des traumatismes répétés.
- Des perturbations vasculaires (ex. : vasoconstriction chronique), contribuant à une hypoxie locale et à des troubles trophiques.
B. Altérations mécaniques
Les traumatismes répétés et non perçus en raison de la neuropathie peuvent provoquer une inflammation chronique, accélérant la résorption osseuse.
C. Dysrégulation ostéoclastique
Les signaux anormaux générés par une innervation défaillante peuvent stimuler les ostéoclastes, favorisant la résorption osseuse.
4. Causes et syndromes associés
L'acroostéolyse neurogénique peut être associée à diverses conditions, notamment :
A. Neuropathies périphériques
- Syringomyélie : maladie chronique de la moelle épinière, caractérisée par une cavitation médullaire entraînant une perte de la sensibilité thermo-algique et des troubles trophiques.
- Neuropathie diabétique : complication du diabète sucré qui peut entraîner une acroostéolyse en raison de la neuropathie périphérique.
B. Maladies systémiques
- Sclérodermie : maladie auto-immune associée à des lésions cutanées, vasculaires et osseuses, y compris une acroostéolyse.
- Maladie de Charcot-Marie-Tooth : neuropathie héréditaire affectant les nerfs périphériques, pouvant causer des déformations des pieds et des mains, parfois avec une résorption osseuse.
C. Traumatisme ou ischémie chronique
Les traumatismes chroniques non perçus dans le contexte de neuropathies ou d’une mauvaise circulation sanguine peuvent provoquer des lésions osseuses progressives.
5. Signes cliniques
Les manifestations cliniques de l'acroostéolyse neurogénique incluent :
A. Symptômes osseux
- Déformation des doigts et des orteils : raccourcissement progressif des phalanges distales.
- Douleur localisée, bien que souvent absente en raison de la neuropathie sous-jacente.
- Apparition de fractures ou de lésions osseuses non traumatiques.
B. Symptômes neurologiques
- Perte sensorielle : diminution ou absence de la perception de la douleur, de la température et du toucher léger.
- Troubles moteurs : faiblesse musculaire ou atrophie, surtout dans les neuropathies associées.
- Troubles autonomes : peau sèche, ulcérations chroniques, troubles de la thermorégulation.
C. Complications cutanées
- Ulcères trophiques chroniques, souvent sur les extrémités.
- Infections secondaires pouvant compliquer les lésions osseuses.
6. Diagnostic
Le diagnostic repose sur un ensemble d'éléments cliniques, radiologiques et biologiques.
A. Examen clinique
- Observation des déformations osseuses et des ulcères trophiques.
- Évaluation neurologique pour détecter des déficits sensoriels ou moteurs.
B. Imagerie médicale
- Radiographie : montre une résorption progressive des phalanges distales, souvent bilatérale et symétrique.
- IRM : utile pour évaluer les tissus mous et les anomalies de la moelle épinière (ex. : syringomyélie).
- Scintigraphie osseuse : détecte les zones d'hyperactivité ostéoclastique.
C. Bilan biologique
- Recherche d'infections ou de troubles métaboliques associés (ex. : diabète).
- Marqueurs de l'inflammation et de l'activité osseuse (ex. phosphatases alcalines).
7. Prise en charge
Le traitement de l'acroostéolyse neurogénique est essentiellement symptomatique et vise à prévenir les complications.
A. Prévention des traumatismes
- Utilisation de chaussures ou gants protecteurs pour éviter les blessures répétées.
- Rééducation fonctionnelle pour maintenir la mobilité des membres.
B. Prise en charge des ulcères
- Soins locaux des plaies pour éviter les infections.
- Antibiotiques en cas d'infection secondaire.
C. Traitement des affections sous-jacentes
- Gestion des neuropathies (ex. contrôle strict de la glycémie pour les diabétiques).
- Traitement chirurgical dans les cas de syringomyélie (ex. dérivation syringomyélique).
D. Thérapies médicamenteuses
- Bisphosphonates pour réduire l'activité ostéoclastique dans certains cas.
- Analgésiques pour gérer la douleur dans les cas où elle est présente.
8. Pronostic
Le pronostic de l'acroostéolyse neurogénique dépend de la cause sous-jacente et de la rapidité de la prise en charge. Bien que la résorption osseuse soit irréversible, une gestion adéquate peut prévenir les complications graves et améliorer la qualité de vie des patients.
Références
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