L'acranie est une malformation congénitale rare caractérisée par l'absence complète ou partielle des os du crâne, bien que le cerveau soit généralement présent. Elle est considérée comme une anomalie du développement embryonnaire, souvent incompatible avec la vie. L'acranie est distincte d'autres anomalies comme l'anencéphalie et la craniorachischisis, bien qu'elle puisse parfois s'y associer. Cette condition soulève des enjeux diagnostiques, étiologiques et éthiques, notamment en ce qui concerne la gestion prénatale et postnatale.
Physiopathologie et développement embryologique
L'acranie survient au cours des premières semaines de la grossesse, généralement avant la 4e semaine de développement embryonnaire. Elle résulte d'un défaut dans :
- La migration des cellules mésenchymateuses nécessaires à la formation des os du crâne.
- La fermeture du tube neural et des structures associées.
L'absence de la voute crânienne expose directement le cerveau à la cavité amniotique, ce qui entraîne souvent une dégénérescence cérébrale progressive, un processus connu sous le nom d'exencephalie.
Étiologie
L'étiologie exacte de l'acranie reste mal comprise, mais plusieurs facteurs ont été impliqués :
- Facteurs génétiques :
- Mutations dans des gènes impliqués dans le développement craniofacial.
- Associations avec des anomalies chromosomiques comme les trisomies 13 et 18.
- Facteurs environnementaux :
- Déficience en acide folique, un nutriment essentiel au développement neural.
- Exposition à des agents tératogènes : certains médicaments (comme l'acitrétine ou l'isotrétinoïne), toxines, ou radiations.
- Prédispositions maternelles :
- Diabète mal contrôlé.
- Consommation d'alcool ou de drogues pendant la grossesse.
Manifestations cliniques
Les caractéristiques de l'acranie incluent :
- Anomalies crâniennes :
- Absence des os pariétaux, frontaux et occipitaux.
- Exposition du cerveau recouvert uniquement par des tissus mous ou une membrane fine.
- Atteintes cérébrales secondaires :
- Dégénérescence cérébrale due à l'exposition aux liquides amniotiques.
- Défauts associés du système nerveux central, tels que spina bifida ou hydrocéphalie.
- Anomalies associées :
- Malformations cardiaques congénitales.
- Défauts des membres ou des organes internes.
Diagnostic
1. Diagnostic prénatal
L'acranie peut être détectée dès le premier trimestre grâce à :
- Échographie obstétricale :
- Identification de l'absence des os crâniens tout en observant la présence du cerveau.
- Signes associés tels que l'exencephalie.
- IRM prénatale :
- Permet une évaluation plus détaillée des structures cérébrales et crâniennes.
- Marqueurs biochimiques :
- Augmentation des niveaux d'alpha-foetoprotéine (AFP) dans le sérum maternel et le liquide amniotique, suggérant un défaut du tube neural.
2. Diagnostic différentiel
L'acranie doit être distinguée de :
- Anencéphalie : où il y a une absence totale du cerveau.
- Craniorachischisis : une anomalie impliquant tout le crâne et la colonne vertébrale.
- Hypoplasie crânienne : où les os crâniens sont présents mais sous-développés.
Prise en charge et traitement
1. Gestion prénatale
- Conseil génétique : Essentiel pour informer les parents sur le pronostic et les options disponibles.
- Interruption médicale de grossesse (IMG) : Peut être envisagée en fonction des lois locales et des souhaits des parents, compte tenu du pronostic généralement fatal.
2. Gestion postnatale
Dans les rares cas où le nouveau-né survit à l'accouchement :
- Soins palliatifs : Visent à soulager la douleur et à améliorer le confort.
- Surveillance des complications : Risque élevé d'infections, de troubles respiratoires et d'autres complications systémiques.
Pronostic
Le pronostic de l'acranie est extrêmement sombre. La majorité des cas sont non viables, et les nouveau-nés décèdent généralement peu après la naissance en raison d'une insuffisance cardiorespiratoire ou de complications liées à des anomalies associées.
Prévention
- Supplémentation en acide folique : La prise de suppléments d'acide folique avant et pendant le début de la grossesse réduit significativement le risque de défauts du tube neural.
- Consultation préconceptionnelle : Identification et gestion des facteurs de risque maternels (diabète, consommation de substances).
- Éviter les agents tératogènes pendant la grossesse, en particulier au cours du premier trimestre.
Recherche et perspectives
Les études futures pourraient se concentrer sur :
- L'identification génétique : Découverte de nouveaux gènes impliqués dans le développement craniofacial.
- Thérapies expérimentales : Interventions in utero pour corriger ou limiter les anomalies.
- Programmes de prévention : Stratégies améliorées pour sensibiliser les populations à risque.
Références
- Moore, K. L., et al. (2020). The Developing Human: Clinically Oriented Embryology. Elsevier.
- Sadler, T. W. (2018). Langman’s Medical Embryology. Wolters Kluwer.
- Singh, P., et al. (2019). "Prenatal diagnosis and management of acrania: A case series". Journal of Obstetrics and Gynecology Research.
- Botto, L. D., et al. (2003). "Neural tube defects: Epidemiology and preventive strategies". Nature Reviews Neurology.
- Online Mendelian Inheritance in Man (OMIM). "Acrania and associated anomalies". OMIM Database.