L'acidurie glutarique de type 1 (GA1) est un trouble métabolique héréditaire rare causé par une déficience en glutaryl-CoA déshydrogénase, une enzyme essentielle au métabolisme des acides aminés lysine, hydroxylysine, et tryptophane. Cette anomalie enzymatique entraîne une accumulation de métabolites neurotoxiques, principalement l'acide glutarique et ses dérivés, dans les tissus et les fluides corporels.
GA1 est une maladie autosomique récessive qui affecte principalement le système nerveux central. Si elle n'est pas diagnostiquée et traitée tôt, elle peut entraîner des lésions cérébrales irréversibles, notamment dans les noyaux gris centraux, avec des conséquences neurologiques graves.
Physiopathologie
- Rôle de la glutaryl-CoA déshydrogénase :
Cette enzyme intervient dans la dégradation des acides aminés lysine, hydroxylysine, et tryptophane. Une mutation du gène GCDH (localisé sur le chromosome 19) perturbe cette voie, empêchant la conversion du glutaryl-CoA en crotonyl-CoA. - Accumulation toxique :
- L'acide glutarique et le 3-hydroxyglutarique s'accumulent dans les tissus et les liquides corporels.
- Ces métabolites provoquent une toxicité mitochondriale, un stress oxydatif et des dommages aux noyaux gris centraux, particulièrement vulnérables chez les nourrissons.
- Vulnérabilité cérébrale :
Les lésions neurologiques sont souvent précipitées par des états cataboliques (fièvre, infections, jeûne), qui augmentent la dégradation des protéines et amplifient l'accumulation de métabolites toxiques.
Épidémiologie
L'incidence de GA1 varie selon les populations :
- Globale : Environ 1 cas sur 100 000 naissances vivantes.
- Certaines populations : Taux plus élevé dans les communautés amish et ojibwées en raison de la consanguinité.
Manifestations Cliniques
Les symptômes de GA1 peuvent varier, mais deux phases principales sont décrites :
- Phase asymptomatique ou pré-symptomatique :
- La majorité des nouveau-nés atteints sont asymptomatiques à la naissance.
- Certains peuvent présenter une macrocéphalie isolée, un signe précoce de la maladie.
- Phase symptomatique :
- Crises métaboliques aiguës :
- Provoquées par des infections, le jeûne ou des interventions chirurgicales.
- Symptômes : Hypotonie, vomissements, léthargie, convulsions, et coma.
- Complications neurologiques chroniques :
- Dystonie sévère due à des lésions des noyaux gris centraux.
- Retard de développement, troubles moteurs, et spasticité.
- Autres manifestations :
- Difficultés d’alimentation.
- Déficits cognitifs et comportementaux dans certains cas non traités.
- Crises métaboliques aiguës :
Diagnostic
Le diagnostic repose sur une combinaison de tests biochimiques, génétiques et d’imagerie.
- Tests biochimiques :
- Acides organiques urinaires : Augmentation des niveaux d'acide glutarique et d'acide 3-hydroxyglutarique.
- Dosage enzymatique : Activité réduite ou absente de la glutaryl-CoA déshydrogénase dans les fibroblastes ou les lymphocytes.
- Hyperammoniémie et hypoglycémie parfois observées en crise métabolique.
- Études génétiques :
- Identification de mutations dans le gène GCDH.
- Imagerie cérébrale :
- IRM cérébrale montrant des lésions des noyaux gris centraux et des anomalies de la substance blanche.
- Dépistage néonatal :
- Analyse des acylcarnitines par spectrométrie de masse tandem, détectant des niveaux élevés de glutarylcarnitine (C5DC).
Prise en Charge
La prise en charge précoce est cruciale pour prévenir les complications neurologiques :
- Régime alimentaire :
- Restriction des acides aminés lysine et tryptophane.
- Compléments en arginine pour maintenir une croissance normale.
- Suppléments en L-carnitine pour éliminer les métabolites toxiques via l'urine.
- Prévention des crises métaboliques :
- Intervention rapide lors de situations de stress métabolique (maladie, jeûne).
- Administration de glucose intraveineux et de liquides pour éviter le catabolisme.
- Traitements symptomatiques :
- Gestion des troubles moteurs avec des médicaments ou la physiothérapie.
- Traitement des convulsions avec des anticonvulsivants.
- Suivi multidisciplinaire :
- Coordination avec des diététiciens, neurologues, généticiens, et pédiatres.
Pronostic
Avec un dépistage et une prise en charge précoces, les patients peuvent mener une vie relativement normale, bien que des séquelles neurologiques puissent persister dans certains cas. Les formes non traitées, en revanche, entraînent souvent des handicaps graves ou une mortalité précoce.
Perspectives de Recherche
Les recherches actuelles explorent :
- Thérapies géniques : Possibilité de corriger les mutations du gène GCDH.
- Nouveaux traitements enzymatiques : Développement d’enzymes recombinantes pour dégrader le glutaryl-CoA.
- Biomarqueurs améliorés : Pour une détection plus précoce et une meilleure surveillance de la maladie.
Références
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