L’acidurie orotique héréditaire (AOH) est une maladie génétique extrêmement rare caractérisée par une altération de la biosynthèse des nucléotides pyrimidiques. Cette anomalie métabolique est causée par un déficit enzymatique dans la voie de novo de la pyrimidine, entraînant une accumulation excessive d’acide orotique dans les fluides corporels. Les manifestations cliniques incluent principalement une anémie macrocytaire réfractaire, des troubles du développement et, dans certains cas, des anomalies neurologiques.
Physiopathologie
La biosynthèse des nucléotides pyrimidiques repose sur plusieurs étapes enzymatiques, dont deux sont catalysées par l’enzyme bifonctionnelle UMPS (uridine monophosphate synthase). Cette enzyme regroupe deux activités enzymatiques :
- L'orotate phosphoribosyltransférase (OPRT) : catalyse la conversion de l’acide orotique en orotidine-5'-monophosphate (OMP).
- L'OMP décarboxylase : convertit l’OMP en uridine monophosphate (UMP).
Dans l’AOH, des mutations dans le gène UMPS entraînent une déficience de l’enzyme, bloquant la synthèse des nucléotides pyrimidiques et provoquant une accumulation d’acide orotique. Cette accumulation est toxique pour les cellules, en particulier pour celles à renouvellement rapide comme les cellules sanguines.
Manifestations cliniques
Les symptômes de l’AOH apparaissent généralement dans les premiers mois de vie et incluent :
1. Manifestations hématologiques
- Anémie macrocytaire réfractaire : résistante aux traitements standards, elle est souvent associée à une neutropénie ou une thrombopénie.
- Troubles de l’hématopoïèse : diminution de la production des cellules sanguines en raison de la dépendance des cellules de la moelle osseuse à la biosynthèse de novo des pyrimidines.
2. Retard de croissance et de développement
- Retard staturo-pondéral.
- Retard du développement moteur et cognitif.
3. Troubles urinaires et rénaux
- Excrétion excessive d’acide orotique dans les urines (orotacidurie), souvent associée à une cristallurie pouvant causer des calculs rénaux.
4. Symptômes neurologiques (dans certains cas)
- Hypotonie.
- Convulsions, rapportées dans des formes sévères.
Diagnostic
Le diagnostic repose sur une approche combinée incluant des analyses cliniques, biochimiques et génétiques :
1. Dosages biochimiques
- Augmentation des niveaux d’acide orotique dans les urines, souvent détectée par chromatographie.
- Anémie macrocytaire et autres anomalies de l’hémogramme.
2. Analyse génétique
- Identification de mutations dans le gène UMPS via le séquençage de l’ADN.
3. Tests complémentaires
- Exclusion d’autres causes d’anémie macrocytaire, telles que les carences en vitamine B12 ou en acide folique.
Prise en charge et traitement
Bien que l’AOH soit rare, des stratégies thérapeutiques efficaces existent :
1. Supplémentation en uridine
L’administration orale d’uridine triacétate est la pierre angulaire du traitement. En contournant le blocage enzymatique, elle permet la synthèse des nucléotides pyrimidiques et réduit la production d’acide orotique. Cela améliore les symptômes hématologiques et prévient les complications métaboliques.
2. Gestion des complications
- Traitement des calculs rénaux : prise en charge urologique si des cristaux ou des calculs sont détectés.
- Suivi nutritionnel : pour corriger le retard de croissance.
3. Suivi à long terme
- Surveillance régulière de la fonction rénale et des paramètres hématologiques.
- Accompagnement neurodéveloppemental pour les enfants présentant un retard psychomoteur.
Pronostic
Le pronostic des patients atteints d’AOH s’est considérablement amélioré avec l’introduction de la supplémentation en uridine. Lorsque le traitement est initié tôt, la plupart des complications peuvent être évitées, et les enfants atteints peuvent avoir une vie relativement normale. Cependant, un diagnostic tardif ou une non-adhésion au traitement peut entraîner des complications graves et une dégradation de la qualité de vie.
Recherche actuelle et perspectives
La recherche sur l’AOH se concentre sur :
- Études génétiques : pour mieux comprendre les variations géniques et leurs corrélations avec la sévérité de la maladie.
- Thérapies de remplacement enzymatique : bien qu’encore au stade expérimental, elles pourraient offrir une alternative aux traitements actuels.
- Développement de modèles animaux : pour explorer de nouvelles stratégies thérapeutiques et étudier les mécanismes moléculaires de la maladie.
Références
- Balasubramaniam, S., & Duley, J. A. (2015). "Inborn errors of pyrimidine metabolism: Clinical overview and treatment options". Journal of Inherited Metabolic Disease.
- Nyhan, W. L., & Gangoiti, J. A. (2016). "Hereditary orotic aciduria: A rare disorder with potential for effective therapy". Molecular Genetics and Metabolism Reports.
- Huemer, M., et al. (2019). "Orotic aciduria: Clinical features and current perspectives". Pediatric Research.
- Kim, S. J., et al. (2020). "Biochemical and genetic basis of hereditary orotic aciduria". Clinical Genetics.
- Hoffmann, G. F., & Zschocke, J. (2022). Inherited Metabolic Diseases: A Clinical Approach. Springer.