L’acromégalie est une affection endocrinienne chronique rare, causée par une production excessive d’hormone de croissance (GH, growth hormone), généralement en raison d’un adénome hypophysaire. Cette surproduction entraîne une augmentation des niveaux du facteur de croissance IGF-1 (insulin-like growth factor 1), responsable des nombreuses manifestations cliniques de la maladie. Si elle n’est pas traitée, l’acromégalie peut entraîner des complications graves, réduisant considérablement la qualité de vie et l’espérance de vie.
1. Épidémiologie
L’acromégalie est rare, avec une prévalence estimée entre 40 et 120 cas par million d’habitants et une incidence annuelle de 3 à 4 nouveaux cas par million. Elle touche autant les hommes que les femmes, avec un pic de diagnostic généralement entre 40 et 50 ans. Cependant, le retard diagnostique fréquent (environ 7 à 10 ans) complique les statistiques précises.
2. Causes et physiopathologie
La principale cause de l’acromégalie est un adénome hypophysaire bénin (dans 95 % des cas), qui sécrète de manière autonome de la GH. Rarement, elle peut être due à :
- Une hyperplasie hypophysaire.
- Un carcinome hypophysaire.
- Une production ectopique de GH ou de GHRH (growth hormone-releasing hormone) par des tumeurs non hypophysaires, comme des tumeurs carcinoïdes ou des adénocarcinomes.
L’excès de GH stimule la production hépatique d’IGF-1, responsable des effets systémiques. La croissance excessive des tissus mous, des os et des organes caractérise la maladie.
3. Signes cliniques
L’acromégalie se développe lentement, ce qui explique les retards fréquents dans le diagnostic. Les signes et symptômes incluent :
- Caractéristiques morphologiques :
- Élargissement des mains et des pieds, nécessitant des tailles de bagues et chaussures plus grandes.
- Épaississement des traits du visage, avec proéminence des arcades sourcilières, du nez, des lèvres et de la mâchoire inférieure (prognathisme).
- Hypertrophie des tissus mous, comme la langue (macroglossie).
- Manifestations musculosquelettiques :
- Arthralgies (douleurs articulaires).
- Hypertrophie osseuse conduisant à des déformations articulaires.
- Syndrome du canal carpien.
- Manifestations systémiques :
- Hypertension artérielle.
- Résistance à l’insuline et diabète sucré.
- Apnée obstructive du sommeil due à l’hypertrophie des tissus mous des voies respiratoires.
- Cardiopathie acromégalique, caractérisée par une hypertrophie ventriculaire gauche et une insuffisance cardiaque.
- Effets sur la qualité de vie :
- Fatigue chronique.
- Troubles psychologiques, tels que dépression et anxiété.
4. Diagnostic
Le diagnostic repose sur une combinaison d’évaluation clinique, biologique et radiologique :
- Dosages hormonaux :
- Augmentation de l’IGF-1, proportionnelle à l’excès de GH.
- Test d’hyperglycémie orale (OGTT) : absence de suppression de la GH en réponse à une hyperglycémie.
- Imagerie :
- IRM cérébrale pour visualiser un adénome hypophysaire.
- Scanner thoraco-abdomino-pelvien en cas de suspicion de production ectopique.
- Diagnostic différentiel :
- Dysmorphies génétiques (syndrome de Marfan, gigantisme).
- Autres causes d’hypertrophie des tissus mous.
5. Prise en charge et traitements
L’objectif du traitement est de normaliser les taux de GH et d’IGF-1, de réduire la taille de la tumeur, de préserver les fonctions hypophysaires et d’améliorer les symptômes. Les options incluent :
- Chirurgie :
- La résection transsphénoïdale de l’adénome est le traitement de première intention. Elle est particulièrement efficace pour les petites tumeurs.
- Traitements médicaux :
- Analogues de la somatostatine (ex. octréotide, lanréotide) : inhibent la sécrétion de GH.
- Antagonistes des récepteurs de la GH (pegvisomant) : bloquent l’action de la GH.
- Agonistes dopaminergiques (cabergoline) : utilisés pour les tumeurs co-sécrétantes (GH et prolactine).
- Radiothérapie :
- En cas d’échec ou de contre-indication de la chirurgie et des traitements médicaux.
- Prise en charge des complications :
- Traitement des comorbidités, comme le diabète ou l’hypertension.
- Soins dentaires pour le prognathisme et l’espacement des dents.
6. Pronostic et suivi
Avec une prise en charge adéquate, la qualité de vie et l’espérance de vie des patients peuvent être considérablement améliorées. Cependant, un suivi à vie est nécessaire pour surveiller les rechutes et les comorbidités. L’absence de traitement peut réduire l’espérance de vie de 10 à 15 ans, en raison des complications cardiovasculaires et métaboliques.
Références
- Melmed, S. (2006). Medical progress: Acromegaly. The New England Journal of Medicine, 355(24), 2558-2573.
- Katznelson, L., Laws, E. R., & Melmed, S. (2014). Acromegaly: An Endocrine Society Clinical Practice Guideline. Journal of Clinical Endocrinology & Metabolism, 99(11), 3933-3951.
- Colao, A., & Auriemma, R. S. (2012). The management of acromegaly: A clinical review. Nature Reviews Endocrinology, 8(11), 622-636.
- Chanson, P., & Salenave, S. (2008). Acromegaly. Orphanet Journal of Rare Diseases, 3, 17.
- Online Mendelian Inheritance in Man (OMIM). Acromegaly. www.omim.org.