La chromoblastomycose : infection fongique chronique

La chromoblastomycose est une mycose sous-cutanée chronique causée par des champignons dimorphes saprophytes appartenant principalement aux genres Fonsecaea, Cladophialophora, Phialophora, et Exophiala. Ces champignons sont présents dans le sol et les matières végétales en décomposition, notamment dans les zones rurales et tropicales. La maladie affecte principalement la peau et les tissus sous-cutanés, créant des lésions verruqueuses et nodulaires souvent chroniques et difficiles à traiter. La chromoblastomycose se développe lentement et peut devenir invalidante si elle n'est pas prise en charge correctement.

Agent pathogène

Les principaux agents étiologiques de la chromoblastomycose appartiennent à un groupe de champignons appelé dematiaceous, en raison de la pigmentation foncée de leurs parois cellulaires. Ces champignons produisent des structures spécifiques appelées corps muriformes ou corps sclarotiques, qui sont caractéristiques de l'infection et facilitent le diagnostic.

Les espèces responsables les plus courantes sont :

  • Fonsecaea pedrosoi
  • Cladophialophora carrionii
  • Phialophora verrucosa
  • Exophiala dermatitidis

Ces champignons pénètrent dans la peau par des traumatismes, tels que des coupures, des éraflures ou des piqûres, souvent liées à un contact avec des plantes ou des matières végétales infectées.

Modes de transmission

La chromoblastomycose est une infection acquise par inoculation traumatique, généralement en milieu rural. Les personnes travaillant dans l'agriculture, la sylviculture ou le jardinage sont les plus exposées, notamment dans les régions tropicales et subtropicales. Les champignons responsables de la chromoblastomycose se trouvent naturellement dans le sol, les bois morts, les épines et les feuilles mortes.

Contrairement à d'autres mycoses, la transmission interhumaine de la chromoblastomycose est très rare.

Symptômes

Les symptômes de la chromoblastomycose se développent lentement, parfois des mois ou des années après l’infection initiale. Les signes cliniques typiques incluent :

  • Lésions cutanées verruqueuses : Les premières manifestations sont des papules ou des nodules indolores, qui évoluent progressivement en plaques ou en verrues hyperkératosiques avec une surface irrégulière.
  • Croissance progressive : Les lésions peuvent s'étendre et former des excroissances verruqueuses, souvent recouvertes de squames ou de croûtes.
  • Infections secondaires : Les lésions peuvent être surinfectées par des bactéries, provoquant des ulcérations et des écoulements purulents.
  • Inflammation locale : Les zones infectées peuvent être enflammées, rougies et douloureuses au toucher.
  • Fibrose : Avec le temps, les lésions peuvent entraîner une fibrose et une élévation de la peau, rendant la peau dure et rigide.

Les parties du corps les plus fréquemment touchées sont les pieds, les jambes et les bras, bien que d’autres zones exposées puissent également être affectées. Les lésions sont généralement localisées, mais elles peuvent devenir étendues si elles ne sont pas traitées.

Complications

La chromoblastomycose peut entraîner des complications si elle n'est pas traitée correctement ou si elle progresse sur une longue période :

  • Surinfection bactérienne : Les lésions ouvertes et ulcérées sont des portes d'entrée pour les infections bactériennes, qui peuvent compliquer la gestion de la maladie.
  • Lymphœdème : L’inflammation chronique et la fibrose peuvent obstruer les vaisseaux lymphatiques, entraînant un gonflement douloureux de la zone affectée.
  • Carcinome épidermoïde : Dans de rares cas, les lésions chroniques de la chromoblastomycose peuvent évoluer vers un carcinome cutané.
  • Handicap fonctionnel : Les lésions étendues peuvent limiter la mobilité, surtout si elles affectent les extrémités.

Diagnostic

Le diagnostic de la chromoblastomycose repose sur des examens cliniques et paracliniques. Il est confirmé par l'identification des structures fongiques caractéristiques dans les lésions cutanées.

  • Examen direct : Les échantillons de lésions (prélèvements de biopsie ou de grattage cutané) sont examinés au microscope après coloration avec de l'hydroxyde de potassium (KOH). Les corps muriformes ou sclarotiques, également appelés « corps en cuivre », sont spécifiques de cette infection.
  • Histopathologie : Une biopsie cutanée révèle des infiltrats inflammatoires chroniques et des corps fongiques caractéristiques dans le derme et l'épiderme.
  • Culture fongique : La culture sur des milieux spéciaux peut permettre l’isolement et l’identification du champignon responsable.
  • PCR : La réaction en chaîne par polymérase (PCR) peut être utilisée pour confirmer le diagnostic et identifier l’espèce spécifique.

Traitement

Le traitement de la chromoblastomycose est souvent difficile en raison de la nature chronique et résistante de l'infection. Il dépend de la taille, de l'emplacement et de l'étendue des lésions, ainsi que de la réponse du patient aux traitements.

  • Antifongiques systémiques : Les médicaments antifongiques oraux, tels que l’itraconazole et le terbinafine, sont couramment utilisés. Le traitement doit souvent être poursuivi pendant plusieurs mois, voire des années, pour prévenir les récidives.
  • Chirurgie : L'exérèse chirurgicale des petites lésions peut être envisagée, surtout si elles sont localisées. Cependant, la chirurgie doit être utilisée avec prudence, car elle peut entraîner des cicatrices importantes.
  • Cryothérapie : Utilisée pour réduire la taille des lésions et favoriser la réponse au traitement antifongique. La cryothérapie à l’azote liquide peut être particulièrement utile

dans les cas de petites lésions.

  • Thermothérapie : La thermothérapie, qui consiste à appliquer de la chaleur localisée, a également été utilisée pour traiter certaines infections fongiques, y compris la chromoblastomycose.

Prévention

La prévention de la chromoblastomycose repose principalement sur des mesures d'hygiène et de protection dans les zones endémiques, en particulier pour les personnes travaillant dans l'agriculture ou la sylviculture :

  • Port de vêtements de protection : Le port de gants, de bottes et de vêtements à manches longues peut réduire le risque de traumatismes cutanés et d'inoculation fongique.
  • Hygiène des plaies : En cas de coupures ou de blessures, il est important de nettoyer et de désinfecter immédiatement la zone affectée pour prévenir l’infection.

Pronostic

Le pronostic de la chromoblastomycose dépend de la rapidité du diagnostic et du traitement. Les petites lésions localisées peuvent être traitées avec succès, mais les cas avancés, avec des lésions étendues et chroniques, sont plus difficiles à guérir. Les récidives sont fréquentes, et la maladie peut persister pendant des années si elle n’est pas traitée de manière adéquate.

Conclusion

La chromoblastomycose est une infection fongique sous-cutanée chronique qui se manifeste par des lésions verruqueuses souvent difficiles à traiter. Elle touche principalement les populations rurales dans les régions tropicales et subtropicales. Bien que non mortelle, elle peut entraîner des complications graves et des incapacités fonctionnelles si elle n'est pas traitée. La prévention repose sur des mesures de protection et d’hygiène, tandis que le traitement nécessite une combinaison de thérapies antifongiques et, parfois, des interventions chirurgicales.

Références

  1. De Araujo, T., & Marques, S. (2010). "Chromoblastomycosis: a clinical and molecular study of 18 cases in the state of Maranhão, Brazil." Journal of Infection in Developing Countries, 4(10), 629-632.
  2. Queiroz-Telles, F., & Santos, D. W. (2013). "Challenges in the Therapy of Chromoblastomycosis." Mycopathologia, 175(5), 477-488.
  3. Krzyściak, P., & Pindycka-Piaszczyńska, M. (2014). "Chromoblastomycosis as an Underestimated Fungal Infection in Humans." Advances in Dermatology and Allergology, 31(5), 310-318.

Livres gratuits